Emeutes à Dakar
Mercredi noir à Dakar :
«Nous sommes prêts à laisser notre vie dans les manifestations », déclare un jeune marchand ambulant
Une fumée noire se dégage. Les cars rebroussent chemin pour emprunter les rues de la Médina. À bord de leurs fourgonnettes, les forces de l'ordre font des va-et-vient intempestifs à vive allure. Les manifestants sont dispersés pour revenir brûler d'autres pneus. Certains propriétaires de cantines du Marché Tilène s'empressent de fermer leurs boutiques. Des cris fusent de partout.
« Nous sommes fatigués. Nous n'avons que le petit commerce pour survivre et aider nos parents. Les policiers nous ont exclus de nos lieux de travail. Il faut que cela cesse. Nous n'avons plus rien à perdre », lance un jeune. Le visage en sueur, la casquette vissée, un mouchoir à la main, notre interlocuteur pointe du doigt le pouvoir en place dont il dit qu'il en est l'auteur. Un autre jeune interrompt les échanges et lance : « nous sommes partis en Espagne, on a été exclu. Nous nous sommes lancés dans le petit commerce, on nous exclut. Nous n'avons que la rue pour crier notre mécontentement, quitte à y laisser nos vies ». Sur les Allées du Centenaire, le spectacle est le même. Des pneus brûlés, des cailloux entassés sur la route constituent le décor. Les véhicules roulent à vive allure, craignant certainement d'être la cible des manifestants. Quelques policiers veillent au grain sur le Rond Point, situé à côté de la caserne Samba Diéry Diallo. Ils portent par dévers eux des matraques et gaz lacrymogènes. Leurs collègues de la Gendarmerie sont dans les locaux de la Rts qui venait juste d'essuyer des jets de pierres de la part des manifestants. « N'eût été la détermination des gendarmes, ils allaient entrer dans les locaux », renseigne un riverain. Repoussés par les forces de l'ordre, les manifestants déménagent. Ils sillonnent les rues de la Médina. Bâtons, déchets, pneus sont jetés sur les routes. Devant les habitants qui ne font que constater les dégâts. La panique s'installe chez certains passagers qui se précipitent vers les portières des véhicules de transport en commun dès qu'ils entendent une détonation.
Et pourtant ces derniers semblent être plus chanceux, car des dizaines de personnes arborent les trottoirs faute de ne pouvoir trouver des issues des secours. À l'Avenue Lamine Guèye, le scénario est le même. Les manifestants ont laissé des traces. On y note des nuages de fumée. Les abords de la route sont jonchés de pierres. Des devantures de boutiques saccagées. « Depuis le début de la matinée, il y a eu des accrochages nourris entre les forces de l'ordre et les manifestants ». A la mairie de la Médina, le spectacle est désolant. Le mur garde encore les stigmates du passage des casseurs.
« Les travailleurs étaient obligés de se barricader », souligne un jeune. L'agence de la Senelec située aussi à la Médina a été saccagée et pillée.
Les quartiers Hlm, Ouagou Niayes et Castors sont également visités par la foule en furie. Comme partout, les manifestants laissent derrière eux du feu, des troncs d'arbre sur la route. Etaient-ils tous des ambulants ? En tout cas, leur nombre s'élargissait au fur et à mesure qu'ils avançaient. Le Premier ministre Cheikh Hadjibou Soumaré, avait reçu les responsables de ces marcheurs, avant que le maire de Dakar, Pape Diop, ne décline les principaux sites qui leur sont réservés, afin qu'ils puissent continuer à exercer leur commerce. La situation est un tant soit peu revenue au calme dans la ville.
Source: le Soleil